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Le paradigme systémique de Parenthèse Médiation.
La médiation, un processus structuré…

La publication de "Getting to yes : Negotiating Agreement Without Giving In" des auteurs Fisher et Ury ou "Comment réussir une négociation" a influencé le paysage belge. Ces auteurs ont introduit la notion selon laquelle l’exploration des intérêts sous-jacents aux positions des parties permet de mieux définir les problèmes et de les résoudre afin de parvenir à des solutions mutuellement acceptables.

La médiation axée sur les intérêts des parties s’est répandue, sous le terme de "médiation facilitante". Selon cette approche, les médiateurs avancent avec les parties dans le cadre d’un processus : structure claire, véritable colonne vertébrale, rassurante et sécurisante, permettant de déployer un état d'esprit de coopération entre parties.

Un processus fait de différentes phases où chaque étape constitue le socle du pilier suivant…

La phase d’installation : séance d’information préalable.

Cette séance de rencontre entre les parties et le médiateur permet de clarifier ce que représente la médiation familiale pour chacun et réaliser une analyse de la demande. Une présentation du cadre, des règles et conditions de déroulement de la médiation est faite par la prise de de connaissance concrète du protocole qui sera complété et signé, dès lors que les parties confirment que le cadre leur convient et que le processus peut être entrepris.

La phase narrative ou d’exploration du contexte.

Cette phase est une forme de « travail d’exploration de la mémoire conjugale pour aider à défaire le lien lentement ».Lors de celle-ci, a lieu un travail de compréhension des difficultés communicationnelles, une mise en évidence des schémas répétitifs difficiles pour les parties.C’est à travers cette étape d’avantage relationnelle que sera réalisé un travail visant à aider l’ancien « couple conjugal » à faire sens à la situation vécue, clarifier le caractère irrémédiable de leur décision de séparation, en vue de favoriser une coparentalité future, mettant en congé les enfants par rapport à un éventuel climat conflictuel.

La phase de clarification des besoins de chacun

En situation de conflit ou de blocage, les récits de chacun sont saturés de plaintes, de reproches, d’accusations, de jugements. Ce sont autant d’expressions détournées de besoins insatisfaits. Il s’agit dès lors de traduire ces reproches et jugements en termes de besoins. Les états émotionnels sont également souvent intenses. Gérer ses émotions n’implique pas de les nier, les contrôler mais au contraire de savoir les accueillir et de tenir compte du message qu’elles véhiculent. Elles sont de véritables sources d’informations quant aux besoins de chacun.

La phase de recherche des options et de négociation

Les parties vont explorer pistes de solutions et d’options rencontrant leurs besoins. Le médiateur ne manquera pas de les inviter à aller chercher de l’éclairage juridique en vue « d’élargir le champ des possibles » et d’évaluer les options, en étant éclairés. Il invitera les parties, si besoin en est et en fonction des sujets amenés en médiation, à consulter différents professionnels qualifiés durant le processus tels que notaire, fiscaliste, comptable, agent immobilier, …

La phase d’élaboration de l’accord ou rédaction d’une convention de médiation

Lorsque les parties parviennent à un accord de médiation, celui-ci peut faire l'objet d'une rédaction de convention de médiation. Pour que l’accord puisse recevoir une force exécutoire, une étape supplémentaire est nécessaire : l’homologation.

Les difficultés auxquelles un intervenant peut être confronté.

Une première difficulté est que les personnes considèrent souvent que la source du problème est chez l’autre, qu’il est la cause du différend, préférant accuser sa mauvaise volonté, son caractère ou sa rigidité. Elles abordent alors le processus en se disant, même à ce stade, qu’elles pourraient parvenir à changer le point de vue de l’autre ou le changer puisque c’est finalement de lui que vient le problème.

Une autre difficulté est que dès les premiers moments du processus où il écoute les récits de chacun, il se retrouve très vite au centre de vérités inébranlables, contradictoires, construites par chaque partie. Chaque récit est cohérent en soi, chacun ayant une interprétation de son vécu, d’une situation. Cette confrontation des positions, telle qu’on peut la retrouver dans un contexte judiciaire, amplifie le conflit, chacun ayant tendance à s’enfermer dans sa position, sa version de la situation.

Le paradigme systémique de "Parenthèse Mediation"

Les pratiques de médiation sont multiples, certaines étant plus directives, d’autres mettant davantage l’accent sur l’autodétermination des parties. Le modèle proposé par l’approche systémique s’avère être un outil d’intervention précieux en médiation familiale.

La reformulation et la recherche des besoins (telle qu’abordée dans un processus "classique") ne permettent pas toujours, à elles seules, d’aider les parties à appréhender le conflit différemment et de trouver leur propre porte de sortie. Il est donc libérateur pour le médiateur de pouvoir recourir à des outils permettant de sortir d’une confrontation de positions sans issue, dans laquelle sont souvent enfermées les personnes.

Passer du droit et du barreau à l’approche de la psychologie systémique et la thérapie de famille, c’est avoir trouvé mon identité de médiateur avec un état d’esprit tel que l’exprime Paul Watzlawick fait d’écoute intense, d’observations et d’une attitude d’explorateur de la complexité.

L’intensité de l’écoute, l’art retrouvé du questionnement, le recadrage soutiennent l’évolution complexe du changement : cela passe d’abord pour la personne par un changement de sa vision du monde et donc, une reconstruction de sa réalité.

Ce qu’apporte le paradigme systémique au processus :

Le modèle systémique ne s’inscrit pas dans la recherche d’un fautif, d’un responsable mais permet de voir l’interaction dans son ensemble…

Ainsi que le met en avant Paul Watzlawick, les personnes en conflit se trouvent souvent embarquées dans une "escalade symétrique". Le rejet de la faute sur l’autre n’aide pas à analyser comment soi-même, on a contribué à naissance du conflit. L’erreur est de considérer que l’autre est la cause de son problème sans se regarder soi-même. Les personnes sont généralement engluées dans des cercles vicieux où chacun prétend réagir au comportement de l’autre sans s’apercevoir qu’elles s’influencent réciproquement.

La pensée systémique offre un éclairage nouveau : une relation est, en elle-même, un phénomène fort complexe et c’est l’interaction dans son ensemble qu’il s’agit d’envisager. Il s’agit donc de tenter de sortir d’une logique analytique visant à chercher le fautif, le responsable d’une situation et adopter une vision amenant les personnes à comprendre l’interaction dans laquelle chacun a sans doute contribué. Il s’agit d’amener les personnes à comprendre quelle est la part de chacun.

Le modèle systémique ne s’inscrit pas dans la recherche de "LA" vérité à éviter les débats du "vrai et du faux", "j’ai raison tu as tort"

La confrontation des positions amplifie le conflit, chacun ayant tendance à s’enfermer dans sa position. Les blocages résultent de nos certitudes, de nos suppositions sur les autres et de "nos interprétations limitantes de la situation". Ce sont donc souvent moins les situations qui posent problème que les interprétations que nous en faisons. Un fait, une situation, un comportement renferment donc toujours plusieurs interprétations, perceptions possibles en fonction de nos croyances construites sur des expériences passées, de notre environnement culturel, social, intellectuel, géographique, de notre état émotionnel du moment…

Chacun construit sa vérité en fonction de sa grille de lecture, de ses expériences, de ses transmis, de ses présupposés, de ses croyances, de ses modèles familiaux, des expériences vécues. Le médiateur peut donc aider à reformuler différemment une perception, un vécu, faisant dans le cadre de l’étape narrative coexister les constructions du monde de chacun. Les personnes peuvent alors expérimenter de nouveaux angles de vue : les personnes "changent leurs lunettes" pour changer la perception, collaborent à l’émergence de nouvelles possibilités. Un proverbe chinois dit qu’il faut apprendre à "observer de vieux paysages avec de nouveaux regards".

Le modèle systémique constitue un apport incontournable dans la phase narrative et d’exploration du context permettant :

D’explorer la mémoire conjugale pour aider à défaire le lien lentement…

Un couple ne cesse pas d’exister le jour de la rupture … Lorsqu’on a aimé quelqu’un, partagé sa vie, se défaire de la relation prend du temps. La colère, la tristesse, la nostalgie sont de puissants moteurs de permanence. Certains couples - pour éviter l’effondrement- s’inventent une façon originale de résister que Jean Van Hemelrijk appelle "la malséparation" en maintenant le lien malgré tout même dans le conflit

La séparation ne doit pas être banalisée. Le deuil de l’autre peut s’accompagner d’une crise identitaire profonde. La séparation représente un véritable défi pour celui qui s’y confronte : celui de trouver les ressources en lui et dans son environnement pour affronter l’absence, le vide et la perte de l’autre. La capacité à dépasser cette rupture dépendra en partie de la façon dont la rupture s’est déroulée et de la façon dont les partenaires ont accès à leur histoire du couple.

Selon J Van Hemelrijk, "une séparation est faite lorsque l’homme et la femme peuvent revenir sur leurs illusions passées, parlant de l’usure du temps, de l’impuissance qui a été la leur à maintenir en vie leurs désirs ou à s’opposer à un éloignement l’un de l’autre". Il s’agit donc de prendre le temps de conférer à cette séparation un ancrage narratif.

De comprendre les difficultés communicationnelles.

« L'analyse de la communication dépend de la ponctuation des séquences» au cours de la communication. Chacun ponctue les séquences de communication de façon linéaire, ce qui engendre des contradictions et amène à des impasses. Chacun isole un comportement de l’autre résultant de l'échange et lui attribue la fonction de déclencheur de sa propre réaction. Chacun prétend réagir au comportement de l’autre sans s’apercevoir qu’elles s’influencent réciproquement.

Un désaccord sur la manière de ponctuer les échanges pourra renvoyer à une opposition sur les causes et les effets d'une situation et par là, entraîner un conflit. Il en découle la nécessité d'obtenir une lecture plus large et complexe de la situation.

D’aider l’ancien "couple conjugal" à devenir/rester une "équipe parentale".

Est-ce que l’idée du "couple parental devant persister au couple conjugal", est réaliste ? il existe une difficulté réelle et certaine à établir une coparentalité pacifiée lorsque subsistent des différends conjugaux. L’exercice de la coparentalité et de l’autorité parentale conjointe, supposant une codécision après rupture, implique la collaboration et un minimum de concertation entre les parents.

La phase narrative permet de "faire le constat ensemble que la fin de l’histoire du couple ne dit pas que toute l’histoire de ce couple est une catastrophe. Pouvoir reconnaître que ce que l’on a vécu s’est peut-être mal terminé mais n’est pas un échec ou une erreur. La plupart du temps, le début de l’histoire, la rencontre amoureuse, l’installation dans un logement commun, la naissance du ou des enfants est souvent une belle histoire. Cette histoire est une richesse, elle sert de pilier, de point d’appui, de référence et lui permet de se protéger contre les douleurs de la déconstruction de son système d’appartenance. Le fait de permettre à l’enfant de parler et d’évoquer son histoire et surtout celle d’avant la séparation va lui permettre de s’apaiser, de renouer avec une certaine forme d’insouciance. Il pourra abandonner cette démarche impossible qui revient à faire comme s’il devait oublier son histoire".

De mettre en congé les enfants par rapport à une situation et permettre la continuité du lien parent-enfant avec conflictuelle chacun

La rupture du lien conjugal entraîne la séparation mais le lien parental persiste. Aujourd’hui si effectivement, le divorce pour faute n’existe plus, parfois le débat se déplace : le résidu conflictuel qui n’a pas pu s’exprimer se déplace et se joue sur la scène parentale. Il est des situations où l’enfant est mis à contribution et déploie une énergie considérable à porter des enjeux qu’il n’a pas à porter par exemple un rôle de messager, de soutien, de protecteur, de confident …

Le modèle systémique et principalement l’approche contextuelle permet d’interroger le contexte relationnel, de comprendre les loyautés (mais aussi les conflits et clivages de loyauté), d’interroger les répétitions dans les transmis intergénérationnels … L’important ne sera pas d’analyser ce qui pousse chacun à se comporter de la sorte mais bien de voir l’effet pragmatique dans l’interaction.